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Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à Marchés des capitaux CIBC, à Toronto, le 7 juin 2019.Tijana Martin/The Globe and Mail

Les marchés boursiers ont été ébranlés par la crainte grandissante d’une récession. L’indice composé S&P/TSX affiche désormais une correction, en recul de 13 % par rapport à son record de 22 087 pour une fin de séance, enregistré le 29 mars.

Le Globe and Mail s’est récemment entretenu avec Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à Marchés des capitaux CIBC, qui a fait part de son point de vue sur le risque d’une contraction économique, ainsi que sur la politique monétaire et ses répercussions sur le marché de l’habitation. M. Tal a également suggéré quelles actions qui pourraient afficher de bons résultats dans ce contexte difficile.

L’inflation a atteint un sommet qui n’a pas été observé en plusieurs décennies, ce qui nuit à la rentabilité des entreprises et à la consommation. Pourtant, l’inflation étant un indicateur retardé, je me demande si la Banque du Canada risque de relever les taux d’intérêt alors que la croissance économique se contracte, ce qui pourrait entraîner une récession. La Banque du Canada a-t-elle tenté de faire baisser une inflation supérieure à 5 % sans causer de récession?

Non, c’est le problème.

Je regarde quatre sources d’inflation, mais avant de procéder à toute analyse des données, il faut émettre une hypothèse de travail concernant la COVID : la pandémie est en phase de devenir une épidémie.

Maintenant, nous pouvons analyser ces quatre sources d’inflation.

Commençons par l’énergie. Par le passé, presque chaque choc pétrolier a été immédiatement suivi par une récession. La question est donc la suivante : le pétrole a-t-il toujours le même pouvoir inflationniste? Il y a trois éléments à considérer. Premièrement, selon les données réelles, le choc actuel n’est pas aussi grave que ceux survenus par le passé. Deuxièmement, la sensibilité de l’économie à la hausse des prix de l’énergie a été réduite. Au cours des 10 à 15 dernières années, la consommation d’énergie par unité de PIB a diminué, ce qui signifie une meilleure efficacité. Il y a aussi la réaction de l’Alberta. Par le passé, l’augmentation du prix du pétrole suscitait des investissements dans le secteur pétrolier dans cette province. Ce n’est pas le cas actuellement, car tout le monde sait que l’énergie verte va remplacer l’or noir.

Étant donné ce sous-investissement, sommes-nous maintenant dans un supercycle énergétique?

Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un supercycle, mais je pense que les prix du pétrole resteront élevés. Toutefois, il ne faut pas oublier que nous parlons d’inflation. L’inflation est le taux de variation. Il est raisonnable de penser qu’à ce niveau, l’énergie va rester stable, ce qui signifie que sur 12 mois, elle ne sera pas une importante force inflationniste.

Et les autres sources d’inflation?

La deuxième source d’inflation est la chaîne d’approvisionnement, et c’est une source majeure d’inflation. S’il est possible de lever les restrictions visant à lutter contre la COVID qui entravent l’économie, je pense que cela éliminera une énorme partie, peut-être 60 %, de l’inflation actuelle.

La troisième est l’augmentation des loyers. Le ratio prix des habitations-loyer a grimpé en flèche. La hausse des loyers et la baisse des prix des habitations contribueront à ramener ce ratio à la normale. La hausse des taux d’intérêt fera augmenter la demande de logements locatifs parce que les gens n’auront pas les moyens d’acheter une maison. Les nouveaux immigrants continuent d’arriver, de même que beaucoup d’étudiants étrangers. Le nombre de personnes à la recherche d’un logement est sous-estimé, de sorte qu’il y aura une forte demande. L’offre est très limitée et de plus en plus de constructeurs ne construisent pas en raison de l’augmentation du coût de la construction. J’ai parlé à au moins six grands constructeurs et je peux vous dire que les grands projets, en particulier les projets destinés à la location, sont reportés ou annulés parce qu’ils ne sont tout simplement pas rentables, les marges sont comprimées.

La quatrième source d’inflation est le marché du travail, c’est-à-dire les salaires. Les salaires augmentent, surtout pour les postes moins bien rémunérés, car c’est là qu’il y a une pénurie.

La Banque du Canada peut contrôler deux choses : les salaires et les loyers, mais elle ne peut contrôler le reste, soit l’énergie et les chaînes d’approvisionnement.

Il ne faut pas oublier le contexte des chaînes d’approvisionnement. Si les restrictions qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement commencent à s’assouplir au cours des six prochains mois, je pense que la Banque du Canada s’inquiétera moins, car elle sait qu’une partie importante de l’inflation disparaîtra. Par conséquent, il ne faut pas regarder la situation des chaînes d’approvisionnement maintenant, ni le mois prochain, mais en septembre, octobre ou novembre. Il faut que la situation s’améliore. Le risque auquel nous sommes confrontés, et il s’agit d’un risque majeur, est que même si le contexte des chaînes d’approvisionnement s’améliore, cette amélioration pourrait ne pas survenir suffisamment tôt pour que la Banque du Canada cesse de relever les taux.

En fin de compte, l’inflation n’est pas le sujet important. C’est plutôt le coût à payer pour ramener l’inflation à 2 %. La Banque du Canada et la Réserve fédérale disent qu’elles feront tout ce qu’il faut, même si cela implique de plonger l’économie dans une récession, parce qu’elles estiment que c’est la seule façon de maintenir le fonctionnement de l’économie à long terme.

Quelle direction prendront les taux, selon vous?

Le marché prévoit que le taux du financement à un jour atteindra 3,5 % d’ici la fin de l’année. Selon nos prévisions officielles, les taux plafonneront à 2,75 % ou 3 %. À mon avis, relever les taux jusqu’à 2,75 % ou 3 %, ou les pousser jusqu’à 3,5 % pourrait faire la différence qui mènera à une récession ou non. L’ennemi de l’économie n’est pas seulement la hausse des taux d’intérêt, mais aussi la hausse rapide des taux.

La politique monétaire est en fait plus efficace au Canada qu’aux États-Unis. La dette par habitant étant plus élevée au Canada, cela signifie que l’économie est plus sensible à la hausse des taux d’intérêt. Deuxièmement, aux États-Unis, les prêts hypothécaires sont d’une durée de 30 ans, alors qu’au Canada, ils sont habituellement de cinq ans ou moins. Cela signifie que la toute petite Banque du Canada est plus puissante que la géante Réserve fédérale lorsqu’il s’agit d’influer sur la consommation. Ainsi, nous estimons qu’une hausse des taux de 1 % par la Banque du Canada équivaut en théorie à une hausse des taux de 2 % par la Réserve fédérale. La Banque du Canada est donc plus efficace pour ralentir l’économie et la plus forte sensibilité de l’économie canadienne aux taux d’intérêt pourrait permettre un ralentissement suffisant pour que la banque centrale ne relève pas les taux au-delà de 2,75 % à 3 %, en supposant que la situation des chaînes d’approvisionnement s’améliore. Il y a une probabilité d’environ 30 % que cela ne se produise pas et que la banque centrale relève de trop les taux.

Vous croyez donc que la probabilité d’une erreur de politique menant à une récession n’est que de 30 %?

C’est exact. Habituellement, la probabilité qu’une récession survienne à un moment quelconque est de 10 %. Actuellement, la probabilité d’une récession est beaucoup plus élevée, trois fois plus élevée que d’habitude, donc ce n’est pas un scénario optimiste.

Étant donné la hausse rapide des taux d’intérêt, vous attendez-vous à une forte correction des prix des habitations?

Le marché de l’habitation est très vulnérable à la hausse des taux d’intérêt. Dans certains secteurs du Grand Toronto et de Vancouver, dans le segment des habitations de faible hauteur, le prix des maisons unifamiliales a déjà baissé de 15 % à 20 %. Je crois que les prix continueront de baisser. Il ne faut pas oublier que les prix ont augmenté de 50 % en deux ans. Il s’agit simplement d’un rajustement, car le marché a empiété sur la croissance future.

La pénurie d’habitations à vendre protégera contre une forte baisse des prix.

Je crains que l’économie ralentisse. Le marché de l’habitation ralentira et, au cours des deux prochaines années, cela éliminera le sentiment d’urgence concernant l’offre. Cependant, lorsque la situation redeviendra semi-normale, l’offre sera insuffisante et les prix seront à nouveau poussés à la hausse.

L’indice composé S&P/TSX a récemment atteint son plus bas niveau en un an. Le dégagement du marché a-t-il créé une occasion d’achat? Sommes-nous proches du creux?

Je ne sais pas quand le creux sera atteint. Il est impossible d’anticiper les fluctuations du marché. Toutefois, avec un horizon de placement de deux ou trois ans, je pense qu’il y a de bonnes occasions à l’heure actuelle.

Selon nos recherches, les actions à dividendes se comportent bien en période de hausse des taux d’intérêt. Par le passé, les actions des télécommunications et des services publics ont dégagé un rendement décent.

De plus, les actions financières pourraient être sous-évaluées actuellement. Le marché tient déjà compte de nombreuses mauvaises nouvelles. Je pense que si l’on a une vision à long terme, il y a des occasions à saisir.

Avez-vous une préférence pour les actions de certains pays?

Je préfère les actions canadiennes aux actions américaines dans ce contexte pour deux raisons. Au Canada, le rendement en dividendes est deux fois plus élevé qu’aux États-Unis. De plus, au Canada, nous avons l’avantage des produits de base.

Lorsque je vous ai interviewé en janvier, je vous ai demandé quelles étaient vos prévisions pour le marché boursier en 2022. Vous avez dit que, selon vous, un rendement à un seul chiffre est ce qu’il y avait de plus probable pour l’indice composé S&P/TSX. Est-ce toujours ce que vous pensez?

Oui, je pense qu’il est toujours possible d’obtenir un rendement allant de zéro à quelques pour cent, du moins nous l’espérons. Compte tenu des nombreuses mauvaises nouvelles déjà prises en compte, le marché pourrait avoir assez de temps pour y arriver.

Si vous deviez résumer en un mot ou une phrase vos perspectives pour la seconde moitié de 2022, que diriez-vous?

Hausse des taux, moins de panique concernant l’inflation.

Cette entrevue a été révisée et condensée.

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