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You had your best-laid plans and then COVID-19 came along and hammered the entire economy. But you’ve got this – if you have the right information. Join Rob Carrick and Roma Luciw on Stress Test, a podcast guiding you through one of the biggest challenges your finances will ever face.

ROB : Votre patron veut que vous retourniez au bureau. Mais après deux ans de travail à distance, vous n’êtes pas sûr de vouloir y aller.

ROMA : Si vous habitez maintenant plus loin, vous ne voulez pas faire la navette. Ou peut-être avez-vous goûté à la liberté et n’êtes-vous pas prêt à y renoncer. Même si cela doit vous obliger à trouver un nouvel emploi.

ROB : Aujourd’hui, nous parlons du coût du retour au bureau. Que vous mesuriez le coût en temps ou en argent, le retour au travail peut être coûteux, et beaucoup de jeunes font de gros efforts pour éviter ce coût et conserver leur mode de vie de travail à domicile.

ROMA : Bienvenue à la Saison 5 de Test de résistance, une baladodiffusion sur les finances personnelles pour les milléniaux et les membres de la Génération Z.

ROB : Je m’appelle Rob Carrick, je suis chroniqueur financier au Globe and Mail.

ROMA : Et je suis Roma Luciw, rédactrice en chef de la rubrique des finances personnelles.

ROB : Vous, Roma, quand êtes-vous allée au bureau pour la dernière fois?

ROMA : Je suis allée au bureau il y a environ un an pour faire du rangement. C’est tout. Je n’y suis pas retournée depuis et ma journée consiste à me lever, à m’habiller, à me brosser les dents, à descendre l’escalier, à me faire un bon café avec ma nouvelle cafetière, à accompagner les enfants à l’école, puis à allumer mon ordinateur et à commencer à travailler. Même si j’aime beaucoup travailler à la maison, certaines choses me manquent. Et vous, Rob, votre bureau vous manque-t-il?

ROB : Le bureau me manque un peu. Cela me manque d’y parler avec des gens, vous savez, de partager des idées d’articles et des informations. La salle de sport près du bureau me manque aussi, je pouvais m’y entraîner pendant ma pause déjeuner. En revanche, les trajets entre la maison et le bureau ne me manquent pas. Je détestais faire la navette, et je pense que la plupart des gens sont comme moi. Et je comprends parfaitement pourquoi beaucoup de gens décident que c’est extrêmement important pour eux, et qu’ils sont prêts à changer d’emploi pour cela.

ROMA : Je pense que, pour la plupart des gens, c’est une question de temps et d’argent. Il semble que beaucoup de gens étaient insatisfaits de notre ancienne culture du travail. De cette organisation du travail qui n’avait subi aucun changement pendant de nombreuses générations. C’est la COVID qui a rendu cela possible. Il faut souligner une chose : le travail à domicile ne peut pas convenir à tout le monde. Selon les données de Statistique Canada, environ 40 % des Canadiens sont en mesure de travailler de chez eux. Pour beaucoup, c’est impossible parce qu’ils sont médecin, infirmière, caissière, chauffeur ou ouvrier dans une usine. Ainsi, lorsque nous parlons de travail à domicile, nous nous adressons à ce groupe très spécifique des personnes qui sont en mesure de le faire.

ROB : Vous savez, je veux que les gens qui écoutent cette balado soient motivés à se battre pour l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. C’est une occasion formidable. En ce moment, les employeurs sont plus à l’écoute les employés que jamais. Vous avez un moyen de pression, profitez-en.

ROB : L’appel que nous avons lancé pour cet épisode nous a permis d’écouter beaucoup de jeunes qui ont fait de grands changements pendant la pandémie, car ils ont décidé que la flexibilité était essentielle. Pour eux, il était hors de question de revenir à l’ancienne façon de faire les choses.

ROMA : Après la pause, nous entendrons un auditeur dans la vingtaine, qui est à la recherche d’un nouvel emploi. Parce que son employeur exige que les employés viennent au bureau deux ou trois jours par semaine.

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ROMA : Voici notre premier invité, qui est inflexible dans son désir de flexibilité.

MO : Je m’appelle Mo, je vis dans la région de Halton, en Ontario. Et j’ai 26 ans. Je suis gestionnaire de programme dans le secteur des télécommunications.

ROMA : Avant la pandémie, le travail de Mo était flexible. Il ne se rendait au bureau que lorsque son directeur était en ville. Mais depuis, il est passé à une autre équipe, et les employés doivent revenir au bureau au moins deux ou trois jours par semaine. Et il ne veut pas y aller.

MO : Il y a deux raisons principales pour lesquelles je ne veux pas retourner au bureau, toutes deux liées au coût, en temps et en argent. Pour être très honnête avec vous, le temps est l’aspect le plus important. J’habite plus loin de mon bureau maintenant qu’avant la pandémie. Il me faudrait une heure et demie pour y aller et une heure et demie pour en revenir, à l’heure de pointe. Et ces trois heures, j’apprécie vraiment de pouvoir en faire ce que je veux. Je ne suis pas prêt à les abandonner pour rester assis tout seul dans ma voiture, juste pour le plaisir d’aller au bureau.

ROMA : Mo a vraiment su tirer parti de ce temps qu’il a gagné.

MO : Oui, vraiment. Trois heures par jour, surtout en été, c’était un énorme plus pour moi. J’adore aller marcher. J’aime faire des balades à vélo. J’adore jardiner. Tout cela, je ne le faisais pas parce que j’étais dans ma voiture. Rester à la maison m’a donné la possibilité de le faire. Je me suis mis au Jiu-jitsu brésilien, je me suis joint à une section des Toastmasters, j’ai commencé à lire, et à écrire, et bien plus encore. Il y a tellement de choses que je peux faire avec ces trois heures par jour. Je ne peux pas imaginer que je pourrais y renoncer, cela me coûterait beaucoup trop. J’y perdrais mon âme. C’est vraiment comme ça que je vois les choses.

ROMA : Comme l’a dit Mo, le temps est une raison qui compte beaucoup. Mais l’argent aussi. Et retourner au bureau lui coûtera beaucoup plus cher.

MO : L’augmentation du prix de l’essence est un facteur important. Il y a aussi le coût de la préparation à la maison des repas que je pourrais emporter au bureau. Et il y a le coût des vêtements que je dois acheter pour les porter au bureau. Cela fait deux ou trois ans que je ne suis pas allé au bureau, alors je vais forcément devoir investir au début, puis de façon continue pour maintenir mon apparence. Le plein d’essence me coûte environ 85 dollars, et j’ai une petite voiture. Je dois donc faire le plein au moins deux fois par semaine si je dois aller trois fois par semaine au bureau. Cela fait donc environ 250 $, juste pour l’essence. Pour les vêtements, je crois que je devrai débourser environ 200 $ tous les trois mois. Tout cela s’additionne. Je ne suis vraiment pas prêt à consacrer autant de temps et d’argent à un travail alors que je pourrais faire la même chose assis chez moi. J’ai l’impression qu’il revient aux gestionnaires et à la direction de proposer quelque chose pour qu’il soit avantageux d’aller au bureau, et de créer un environnement plus accueillant.

ROMA : Mo ne veut pas céder sur le travail à domicile. Alors que va-t-il faire?

MO : En ce moment, je regarder les autres emplois, qui doivent soit être uniquement à distance, soit offrir beaucoup de flexibilité quant au lieu de travail, tant que le travail est fait. Et mon plan, une fois que j’aurai reçu une offre, je croise les doigts, est de revenir négocier avec mon employeur actuel si l’offre ne me satisfait pas complètement. Mais si j’en suis entièrement satisfait, cela justifiera ma démission. Juste pour m’éviter d’avoir à retourner au bureau.

ROMA : Il est même prêt à sacrifier de l’argent.

MO : Oui, absolument, j’accepterais un travail moins bien payé si je n’ai pas à aller au bureau.

ROMA : Jusqu’à présent, sa recherche d’emploi se passe bien. Il a quelques entretiens à son agenda et attend de savoir s’il va avoir une offre.

MO : Je dirais donc que ça va bien. Les entreprises à la recherche de talents ne manquent pas. J’ai beaucoup lu sur ce que l’on appelle la grande démission. Et je sais que beaucoup de gens quittent leur emploi ces jours-ci, ce qui laisse plus de place à ceux qui cherchent de nouvelles ouvertures. Beaucoup de gens démissionnent pour prendre un autre emploi, mais il y en a aussi qui veulent leur indépendance. En fait, pendant la pandémie, j’ai commencé à apprendre à couper les cheveux, premièrement parce que j’ai plus de temps. Et deuxièmement, c’est un moyen de construire quelque chose, de ne plus avoir forcément à dépendre d’une seule source de revenus. C’est quelque chose que cette période m’a appris.

ROMA : Mo sait qu’il n’est pas le seul à ne pas vouloir céder sur la souplesse.

MO : Je sais que suis loin d’être le seul à vivre ce dont je parle, à savoir chercher ailleurs parce qu’on veut m’obliger à revenir au bureau. Beaucoup de mes collègues sont dans le même cas. Ils sont déterminés. C’est pourquoi je pense qu’il y a deux possibilités : Soit les entreprises qui veulent exiger ce retour au bureau vont s’adapter à la manière moderne de faire les choses et à une approche différente de la souplesse sur le lieu de travail. Soit elles vont se résoudre à perdre beaucoup de talents de qualité au profit d’autres entreprises qui, elles, commencent à accepter la nouvelle situation. ROMA : Mo est un excellent exemple de jeune adulte qui n’est pas prêt à sacrifier la liberté dont il jouit. Après la pause, une gestionnaire d’une quarantaine d’années nous explique pourquoi elle a pris la décision de fermer définitivement son bureau.

[PAUSE PUBLICITAIRE]

KAT : Je m’appelle Kat et je vis à Oakville, en Ontario. J’ai 42 ans. J’ai deux jeunes enfants. Mon fils a 12 ans et ma fille en a 8. Je suis mère célibataire.

ROB : Kat est directrice générale du bureau canadien d’une société de conseil de Californie. Avant, il n’y avait aucune liberté de choix quant au lieu de travail.

KAT: Quand vous êtes dans le monde du conseil et que tout est virtuel, le travail à la maison est possible, mais la politique de notre bureau avait toujours été que tout le monde devait venir. Bon. Nous étions persuadés que les gens travaillent mieux, surtout dans le cas d’une nouvelle entreprise, qu’il est plus facile d’être en contact avec l’équipe, d’avoir des réunions et des discussions et de résoudre les problèmes rapidement si tout le monde est dans la même pièce. Je pense qu’il y avait un peu de tension. Je crois que certaines personnes désiraient cette souplesse. Mais notre politique était que personne ne travaillait à la maison, sauf si c’était nécessaire ou si un employé, ou l’un de ses enfants, était malade.

ROB : Cette politique ne rendait la vie facile ni aux employés, ni à Kat.

KAT: Oh mon dieu, je pense que j’arrivais toujours au travail en courant comme une dingue. Je m’asseyais dans mon bureau pour reprendre mes esprits quelques minutes, parce que vous devez comprendre que beaucoup de mes collègues et moi avions de jeunes enfants, ou d’autres responsabilités. Donc, le temps de se lever le matin, de réveiller les enfants et de les emmener à l’école, de se préparer pour les réunions, de s’habiller et de courir au travail. Au moment d’arriver au travail donc, vous étiez déjà épuisée.

ROB : Vous étiez épuisée, et vous aviez dépensé beaucoup d’argent.

KAT: Oui, cela coûtait vraiment très cher. Évidemment, les frais les plus immédiats sont les frais d’essence, juste pour les trajets quotidiens. En fait, le plus cher, c’est mon temps. Mon temps de trajet d’ici à Mississauga, ou à Toronto, n’importe où, représentait une heure à l’aller et une heure au retour. Et puis bien sûr, il y a les dépenses de voiture, le kilométrage, l’essence. Et les lunchs, les vêtements. Quand on travaille dans un environnement professionnel, il faut toujours être présentable. Les vêtements finissaient par coûter cher. Les frais de garderie pour mes enfants. Le service de garde après l’école coûtait très cher, je crois que c’était 900 $ pour deux enfants et deux heures. Et il ne faut pas oublier la charge mentale. Le coût de ma santé mentale : me précipiter pour aller travailler, me précipiter au retour pour aller récupérer les enfants. Cela faisait beaucoup.

ROB : Le confinement de mars 2020 a forcé l’entreprise à changer son état d’esprit. Soudain, il a fallu trouver de nouvelles façons d’aider les employés à travailler en dehors du bureau.

KAT : Les six premiers mois, nous avons été obligés de rester en confinement. Après cela, nous avons réalisé que tout le monde travaillait si bien et tout le monde était si productif que nous n’avions pas vraiment besoin d’un environnement de bureau. Donc, nous avons continué comme ça, en gagnant du temps. Et puis, vous savez, j’ai réalisé que ça marchait bien pour mon équipe, que mon équipe était plus heureuse de cette façon. J’ai donc décidé de fermer le bureau définitivement.

ROB : Ce fut un changement radical pour Kat et son équipe, dont la taille a doublé pendant la pandémie, pour atteindre 20 personnes. Elle a consulté les membres de son équipe avant de décider de fermer les portes pour de bon.

KAT : En effet, nous avons eu de nombreuses conversations. En fait, j’étais très inquiète pour leur santé mentale. Il y avait beaucoup de jeunes mamans qui étaient coincées à la maison, vous savez, et cela peut être épuisant. Il y a aussi beaucoup d’employés qui vivent seuls dans cette ville. Pas de famille ici. Pour eux, le pays est nouveau, la culture aussi. Pour moi, il s’agissait de m’assurer qu’ils allaient bien. J’ai eu de nombreuses conversations avec eux pour chercher à savoir s’ils voulaient retourner au bureau. Avez-vous besoin de cet environnement social? Avez-vous besoin de ce soutien? Et je dirais que 90 % d’entre eux ont dit qu’ils préféraient travailler à domicile. Il n’y avait qu’une personne qui voulait échapper à ses enfants.

ROB : Cela ne veut pas dire que la fermeture du bureau ne présentait pas d’inconvénients.

KAT : L’aspect social me manque. Ça me manque de voir des adultes régulièrement. Honnêtement, nous avons essayé de travailler autour de ça aussi. Maintenant que la pandémie a été levée, nous essayons de nous réunir en équipe au moins une fois par mois, voire deux, pour des rencontres sociales, que ce soient des dîners ou des parties de quilles, par exemple. Cela nous a donc été utile, en quelque sorte.

ROB : C’est Kat qui paie pour ces activités sociales avec l’argent économisé par la fermeture du bureau, qui occasionnait des frais généraux importants. Elle dit que la productivité a augmenté parce que les gens n’ont pas à faire deux heures de trajet par jour. Certains soirs, elle doit dire à son équipe d’arrêter de travailler à 21 heures. À son avis, les employeurs qui ne font pas preuve d’une plus grande flexibilité manquent le bateau.

KAT : Les temps changent, tout le monde peut travailler à distance, la technologie existe. Vous savez, il y aura toujours des gens qui profiteront de la situation. Et s’il y en a qui pensent qu’ils ne sont pas productifs, alors il faut s’en occuper. Mais je pense que, pour l’entreprise dans son ensemble, il serait bénéfique pour eux de commencer à voir les choses sous un angle différent. Vos employés sont en meilleure santé, plus heureux, ils parviennent à un meilleur équilibre entre le travail et la vie privée, et vous avez accès à un bassin de talents plus large que normalement. Je peux embaucher des gens partout au Canada, alors qu’avant je devais me limiter à la région du Grand Toronto.

ROB : Elle ne s’attend pas à ce que le désir de flexibilité s’estompe.

KAT : En fait, je pense que la flexibilité va devenir très importante pour retenir les employés. La plupart des gens n’accepteraient pas un emploi si on ne leur offrait pas cette flexibilité. Il est inévitable de perdre des employés, qui voudront avoir des enfants, être avec leur famille ou assumer diverses responsabilités, ou alors qui ne veulent tout simplement pas faire la navette. Ce sont donc ces employés qui se mettront à la recherche d’un autre emploi si leur employeur veut les obliger à revenir au bureau. Je pense que, dans la plupart des situations, les gens choisiront la souplesse plutôt que l’argent. Personnellement, c’est ce que je ferais. Il faudrait que ce soit une sacrée somme pour que j’accepte de renoncer à ce genre de souplesse. Et je pense que c’est la même chose pour les membres de mon équipe.

ROMA : Il ne fait aucun doute que la pandémie a fait de la flexibilité une priorité absolue pour les travailleurs. Les conséquences sur l’avenir du travail sont au cœur des préoccupations ces jours-ci. Je me suis entretenue avec Vanmala Subramaniam, journaliste spécialisée de l’avenir du travail au Globe and Mail, sur ce qui est en train de changer sur le lieu de travail et sur ce à quoi nous pouvons nous attendre à l’avenir.

Alors, plongeons dans le vif du sujet. Comment la pandémie a-t-elle transformé les attentes des Canadiens quant au lieu et à la manière de travailler?

VANMALA : C’est une vaste question. Mais je pense que le changement le plus important est lié au fait que beaucoup de gens sont maintenant très à l’aise avec le concept de travail à distance. Et ils ne veulent pas forcément revenir au bureau, même si les conditions sont assez sûres pour le faire. Je pense que c’est le plus grand changement que nous ayons vu dans la pandémie : la façon dont le travail de bureau est accompli.

ROMA : Nous savons que les jeunes travailleurs, les cols blancs, accordent une très grande importance à l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Quels sont les autres aspects auxquels les jeunes Canadiens attachent de l’importance sur les plans du lieu de travail et de la carrière?

VANMALA : Je pense que l’une des choses intéressantes, en ce qui concerne la pandémie et le travail, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre la façon dont les jeunes ont commencé à voir leur travail et la façon dont les personnes plus âgées considèrent leur travail. Donc oui, l’équilibre entre le travail et la vie personnelle est prioritaire pour les milléniaux et les jeunes Canadiens. Mais il y a des exceptions basées sur la classe sociale ou l’origine, par exemple. Par exemple, j’ai parlé à un professionnel des RH de la Sunlife, qui emploie de nombreux employés de bureau de Toronto. Et quand la Sunlife a fait un sondage interne, elle a découvert que les personnes les plus susceptibles de vouloir retourner au bureau étaient dans la vingtaine et vivaient dans des condominiums. En effet, si l’espace est compté, si vous vivez dans un appartement d’une chambre, chose assez courante chez les jeunes dans des villes comme Toronto ou Vancouver, si vous partagez cet espace avec un colocataire ou un partenaire, le travail à domicile peut être assez difficile.

ROMA : Examinons cela de plus près, car l’un des plus grands changements engendrés par la pandémie a été le déménagement des jeunes Canadiens vers les petites villes et la campagne. Ils prennent des décisions importantes qui ont un impact sur leur mode de vie, l’immobilier et les finances, en fonction de la possibilité de continuer à travailler à distance. Plus que quiconque, ils ont donc besoin d’un patron ou d’une entreprise qui leur permet de ne venir que deux ou trois fois par mois. Quelles chances ont-ils de trouver cela?

VANMALA : De très bonnes chances. C’est une bonne question, parce que je pensais vraiment qu’une fois qu’Omicron se serait calmé et qu’il y aurait comme un élan vers la réouverture et le retour au bureau, et je m’attendais à voir beaucoup d’employeurs dire à leurs employés qu’il était temps de revenir au bureau. Fini le travail à distance! Or, ce n’est pas ce que j’ai observé. Il y a des exemples frappants. L’une des plus grandes banques du Canada, HSBC, a déclaré que le travail hybride permanent était acceptable. L’exemple de la Banque HSBC est intéressant parce qu’elle a réaménagé ses bureaux à Toronto et à Vancouver pour ne pas favoriser le retour au bureau à temps plein. Ainsi, même si tous les travailleurs voulaient revenir, il n’y aurait pas assez de bureaux pour tout le monde.

ROMA : Dans vos reportages, avez-vous entendu parler d’entreprises qui tentent de récompenser leurs employés qui reviennent au travail?

VANMALA : Oui, c’est une question très intéressante. En réalité, Roma, je pense que c’est le contraire. Je pense que les employeurs à la recherche de talents, offrent aux employés plus de flexibilité dans leur façon de travailler, pour les inciter à se joindre à leur équipe. Le taux d’emplois vacants au Canada a rarement été aussi élevé. Cela signifie en fait que les employés ont beaucoup d’occasions de changer d’emploi parce qu’il y a plus d’emplois que de demandes. Cela signifie donc que la balance penche en faveur des employés en ce moment, et que ces derniers peuvent choisir leur façon de travailler. Ce que je remarque, c’est qu’il y a des gens qui quittent leur emploi parce qu’ils seraient obligés de revenir au bureau, ne serait-ce que deux ou trois fois par semaine. Ils ne démissionnent même pas parce qu’on leur demande de revenir cinq fois par semaine. C’est du jamais vu. Selon moi, il y a beaucoup d’employés qui veulent simplement travailler à distance, à plein temps, et ne revenir que quand cela est justifié, quand ils doivent rencontrer quelqu’un ou quand ils ont une réunion. Quand il y a une véritable raison. Si j’ai fait mon travail de manière aussi productive, sinon plus, au cours des deux dernières années, pourquoi devrais-je faire ce trajet quotidien, dépenser de l’argent et perturber mon travail, seulement pour aller dans un bureau et faire la même chose dans un autre endroit?

ROMA : Cela m’amène à une autre question à laquelle je réfléchis depuis un certain temps. Si vous préférez travailler chez vous, et si vous essayez de négocier cela avec votre employeur, quelles sont les bonnes façons de le faire en présentant cela comme un avantage pour les deux parties, ce qui peut être le cas?

VANMALA: Je pense que la meilleure façon de le faire est de mettre l’accent sur votre propre capacité à bien faire votre travail sans être au bureau. Je ne pense pas que l’employeur soit préoccupé par le fait que les employés ne sont pas tous au même endroit en même temps, à condition qu’ils fassent ce qu’ils sont censés faire. Pour moi, c’est la principale chose à faire pour convaincre votre employeur que vous pouvez être aussi productif. Il y a un autre élément à retenir de cette situation : en ce moment, même le fait de faire revenir une ou deux personnes au bureau ne fait pas une grande différence lorsque la plupart des gens ne sont pas au bureau. N’est-ce pas? L’employé lui-même se demande presque pourquoi il devrait revenir, alors qu’il ne peut pas, comme avant, profiter de la présence de ses amis, vous savez, pour jeter un coup d’œil et voir à qui le patron est en train de parler, juste pour savoir, aller prendre un café, tout ce qui ne se produit pas parce qu’il n’y a que très peu d’employés dans le bureau.

ROMA : C’est amusant que vous ayez parlé de la possibilité d’aller prendre un café et de discuter avec les collègues. C’était l’une des raisons pour lesquelles j’aimais aller dans la salle de nouvelles : parler avec mes collègues, avoir des conversations, tisser des liens. Vous apprenez, vous créez des liens, vous bâtissez des relations. Vous devez être à la vue de votre supérieur, entre autres pour les promotions, pour pouvoir vous faire offrir d’autres possibilités. Et aussi, pour les primes éventuelles, le fait de travailler à la maison peut-il nuire?

VANMALA : C’est un débat assez vigoureux qui se déroule dans le monde de l’avenir du travail. D’un côté, il y a des gens qui sont de fervents défenseurs du travail à domicile, qui disent que les jeunes employés vont passer à côté de la possibilité de tisser des réseaux, d’avoir des mentors, d’acquérir de l’expérience en observant de près leurs collègues et d’être capables, comme vous le dites, de tisser des liens avec les patrons. Mais je pense qu’il y a une autre école de pensée qui dit que si personne d’autre ne le fait, vous n’êtes pas vraiment perdant.

ROMA: Une chose est apparue : pour les jeunes travailleurs, la flexibilité est essentielle. Certaines enquêtes que j’ai consultées la placent avant l’argent. A-t-on le sentiment que les travailleurs sont prêts à sacrifier un revenu plus élevé pour un mode de vie qui apporte une plus grande marge de manœuvre?

VANMALA : Oui, il y a des éléments qui prouvent que plusieurs le font. D’après ce que j’observe, si on vous propose un emploi où vous devez revenir au bureau, disons trois à quatre fois par semaine, et que vous n’obtenez qu’une augmentation minime de votre salaire, disons de 15 %, la plupart des gens rejettent cette proposition. Ils disent : « Je ne veux pas d’une augmentation de 15 % si cela signifie que je dois faire la navette et revenir au bureau très souvent. Toute l’équation change si on vous propose une augmentation de salaire importante. Mais je dirais que nous sommes à un moment très intéressant pour la société. L’argent n’est plus la seule motivation pour accepter un emploi. Et je n’avais jamais vu cela. Avant, tous les facteurs étaient les mêmes. Tout le monde se rendait au travail, tout le monde allait au bureau. Du coup, l’argent était la seule variable. Je pense que les gens, vous l’avez dit, ont fait des changements définitifs dans leur vie. Ils ont déménagé de Toronto à Halifax, ils ont acheté des maisons là-bas. Ils ne vont pas revenir pour de l’argent, parce que ce n’est plus aussi important.

ROMA: Parlons un peu des coûts spécifiques du retour au bureau dans les mois et les années à venir. Il y a des aspects concrets dans le fait que le retour au bureau est plus difficile pour le porte-monnaie. Pouvez-vous nous en évoquer quelques-unes?

VANMALA : De nombreuses enquêtes ont été effectuées sur ce sujet. L’une d’entre elles, que j’ai trouvée très intéressante, a été réalisée par Flex Jobs, société qui conseille d’autres entreprises sur l’organisation flexible du travail. Elle a découvert, par exemple, qu’en moyenne, dans les villes d’Amérique du Nord, un travailleur dépense entre 2 000 et 5 000 dollars par an pour un trajet de seulement 15 kilomètres environ. Cela fait beaucoup d’argent pour beaucoup de gens. Je vais vous donner un exemple. Je fais partie de la génération du millénaire, et mes amis ont à peu près le même âge, nous sommes tous dans la trentaine. La plupart d’entre nous, je dirais 80 à 90 % des membres de ma génération, estiment qu’ils ne sont absolument pas prêts à dépenser ces centaines de dollars par mois pour retourner au bureau, tout simplement parce qu’ils font leur travail chez eux de la même manière. Et cela va au-delà du simple coût du transport. C’est le coût d’aller en bas et de prendre un café avec quelqu’un, ou au lieu d’aller dans votre réfrigérateur pour prendre une collation, vous descendez, ou vous montez, et vous achetez un muffin ou un croissant. Vous savez, certains de mes amis disent qu’en travaillant à la maison, ils sont généralement en meilleure santé parce qu’ils sont plus organisés et qu’ils peuvent planifier leurs repas. D’autres ont simplement remarqué que, dès qu’ils quittent la maison, ils sortent davantage la carte de crédit. Il y a trop de tentations. En fait, ils n’en veulent plus.

ROMA : Il y a une grosse dépense dont nous devons parler, surtout en ce qui concerne les jeunes travailleurs. Les membres de la génération du millénaire, qui sont dans la vingtaine et, surtout, dans la trentaine, ont des enfants. Si vous êtes parent de jeunes enfants, et qu’on vous demande maintenant de venir au bureau, vous allez devoir vous organiser pour les faire garder. Cela représente un coût énorme. Cela change la donne. C’est une augmentation brutale de vos dépenses. Comment cela va-t-il changer la dynamique pour les personnes qui se déplacent pour venir au bureau?

VANMALA : Je pense que pour la plupart des gens qui réfléchissent à un retour au bureau, la garde des enfants et des animaux de compagnie représente une considération majeure. Il est en effet impensable de demander à une garderie de prendre vos enfants un ou deux jours par semaine, surtout si cet horaire n’est pas régulier. Vous vous retrouvez donc dans une situation de tout ou rien, soit vous vous engagez à envoyer vos enfants à la garderie à plein temps, soit vous vous engagez à rester à la maison avec votre enfant et à ne les envoyer à la garderie qu’à mi-temps. On peut donc dire que la garde des enfants ne permet pas autant de flexibilité que le travail. Et je pense donc que, dans une telle situation, les employeurs savent que la garde des enfants est plus importante, et que c’est un aspect crucial, surtout pour les femmes qui travaillent.

ROMA : Pour ce qui est du retour au travail, il y a donc encore beaucoup d’éléments en suspens. D’après vous, dans cinq ans, quelle sera la situation du travail au bureau par rapport au travail à distance?

VANMALA : Je fais vous donner mon avis, mais ce n’est qu’une supposition, car je ne peux évidemment pas prédire l’avenir! Mais d’après ce que je sais, je pense que nous allons évoluer vers une situation de travail hybride permanente, où les travailleurs passeront la moitié du temps au bureau et resteront à la maison le reste du temps. Cela variera bien sûr en fonction de l’entreprise. De un jour ou cinq jours, donc, cela dépendra. Je pense que l’avenir ressemblera à cela dans cinq ans parce que les employeurs sont en train de transformer de façon permanente l’aménagement de leurs bureaux en fonction d’une organisation hybride du travail et que ces changements coûtent cher. Ils hésiteront probablement à revenir en arrière. C’est comme ça que je vois les choses. Le bureau deviendra un lieu où l’on va dans un but précis, par exemple pour assister à une réunion d’équipe ou parce qu’il faut rencontrer des collègues en personne.

ROMA : Le travail hybride et le travail à distance sont clairement une tendance qui dépasse la simple pandémie. Nous assistons à des changements majeurs dans la façon dont le travail de bureau est organisé. Que voyez-vous pour l’avenir, Rob?

ROB : Eh bien, je pense que beaucoup de gens vont travailler selon une organisation mixte. Je ne suis pas vraiment sûr, mais je pense que beaucoup de gens tiendront à certains des avantages d’être au bureau et d’échanger avec leurs collègues, d’être vus par leur patron. Et aussi à l’avantage de ne pas avoir à faire la navette et d’avoir plus de temps pour la famille et moins de stress et de problèmes dus aux trajets quotidiens. Donc, je pense que l’organisation du travail combinée sera la voie à suivre. Nous devons évidemment tous voir si cela fonctionne pour nous, si cela fonctionne pour nos emplois, si nous pouvons le faire.

ROMA : Voici ce que je retiens de cette conversation. Premièrement, les employés n’ont jamais eu autant de pouvoir. Si vous voulez avoir la souplesse du travail à domicile, c’est le moment de le demander. Faites valoir à votre employeur que vous serez plus productif sans ce trajet quotidien et toutes les distractions. Deuxièmement. Si vous retournez au bureau, préparez-vous à payer davantage pour les lunchs, l’essence ou le transport en commun, le stationnement, les vêtements, toutes ces choses pour lesquelles vous dépensiez avant la COVID. Et troisièmement, si vous avez de jeunes enfants ou un animal de compagnie, commencez à chercher un moyen abordable de les faire garder si et quand vous serez appelé à reprendre le travail, même à temps partiel.

ROMA : Merci d’avoir écouté cet épisode de Test de résistance. Cette émission a été produite par Kyle Fulton, Emily Jackson et Zahra Kozhema. Notre productrice exécutive est Kiran Rana. Merci à Mo, à Kat et à Vanmala d’avoir été avec nous cette semaine.

ROB : Vous trouverez Test de résistance en anglais (Stress Test) sur Apple Podcasts, Google Play, Spotify ou votre application de baladodiffusion préférée. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le avec un ami.

ROB : Dans notre prochain épisode de Test de résistance : L’inflation nous frappe tous durement, mais c’est à la pompe à essence que cela fait le plus mal. Les milléniaux constituent le plus important groupe d’acheteurs de voitures au Canada. La hausse du prix de l’essence est-elle suffisante pour les pousser vers un véhicule électrique, ou est-ce encore un luxe que la plupart ne peuvent se permettre?

ROMA : En attendant, retrouvez-nous sur notre site, Globe and Mail point com. Merci à tous de nous avoir écoutés.

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